Au même titre que l’évaluation, un employeur peut souhaiter utiliser dans son entreprise des outils pour apprécier et améliorer la performance de ses salariés. Ceux-là s’inscrivent comme les outils d’évaluation du personnel dans le même cadre légal: ils doivent être soumis à une information / consultation du CE et du CHSCT et être présentés aux salariés. La Cour de cassation sociale (arrêt du 28.11.2007 n°06-21.964) a reconnu que les entretiens d’évaluation sont « de nature à engendrer une pression psychologique ». Cette caractéristique vaut également pour les outils d’amélioration de la performance.
Qu’est-ce qu’un outil d’amélioration de la performance ? Quelles en sont les utilisations et les
dérives éventuelles ?
Une grande entreprise de la chimie nous a donné l’occasion de nous intéresser au sujet. En effet, l’emploi d’un de ces outils a déclenché un tel malaise que les élus au CHSCT ont voté une expertise pour en évaluer les impacts et ont fait appel à Ideforce.
Cette entreprise a mis en place des plans d’amélioration de la performance. Outils de gestion à disposition du manager, ils sont employés lorsque celui-ci a évalué la performance d’un de ses collaborateurs, n’en est pas satisfait et veut l’améliorer. L’entreprise décrit cet outil comme un support à une discussion ouverte et constructive entre un manager et un salarié, pour identifier des points d’amélioration et élaborer un plan d’action individuel. A priori, ce dispositif se rapproche d’un entretien individuel, à la différence notable que, dans le cas présent, un échec du plan d’amélioration peut entraîner une sanction allant jusqu’au licenciement. D’où l’inquiétude exprimée par les élus concernant l’utilisation de cet outil.
Un employeur attend nécessairement un certain niveau de performance de ses salariés et a le droit de l’évaluer. Mais, à l’instar des outils d’évaluation du personnel, des outils d’amélioration de la performance peuvent être inadaptés aux activités de travail et maladroitement employés.
Ici, le salarié à qui l’on propose un plan d’amélioration de la performance est d’emblée identifié comme étant sous-performant. La situation est inévitablement stigmatique. Ainsi, dans cette entreprise, certains salariés ont souhaité que leur plan d’amélioration reste secret, et l’outil est devenu pour les autres salariés une sanction en lui-même. Certains plans proposent des objectifs comportementaux, sans lien direct avec le travail effectué. Le jugement porté par l’outil peut donc dépasser la sphèreprofessionnelle.
En tant qu’élu et militant, à quoi doit-on être attentif ? Quel rôle pour les représentants du
personnel ?
Les représentants du personnel sont invités à rester vigilants quant à l’utilisation de tels outils. Aussi, l’obligation de les présenter aux instances et aux salariés doit être l’occasion pour eux d’émettre des critiques sur leur utilisation, de demander un cadre d’utilisation clair et objectif, et de proposer des aménagements. Il faut veiller à ce que l’outil ne comprenne que des critères objectifs et vérifiables, pertinents au regard de l’activité de travail. Les élus peuvent encourager d’autres manières d’améliorer la performance s’ils pensent que c’est nécessaire.
Ces outils peuvent révéler un décalage entre la perception d’un salarié et celle de son supérieur sur la manière d’atteindre les objectifs. Un salarié en difficulté peut également signaler un manque de ressources et de moyens pour réaliser son travail. Or, le manager n’est pas forcément en capacité de remonter aux causes de ces difficultés.
Les élus doivent insister sur la nécessité pour un manager de connaître l’activité de leur équipe, leurs contraintes et l’adéquation entre leurs ressources et leurs objectifs, les arbitrages qu’ils doivent effectuer et comment cela affecte leur performance.
Il est dont plus pertinent d’encourager une discussion libre avec le manager quand un salarié rencontre des difficultés, de valoriser plutôt une performance collective ou d’instaurer des espaces où la manière de réaliser le travail est discutée. La question de la formation des managers et de leur capacité à remettre en cause l’organisation du travail doit aussi être posée. Les instances, en particulier le CHSCT, doivent être l’occasion pour les élus de débattre des pratiques managériales et de questionner laperformance. •